BlueLife #44

NGANNOU VS FURY : LE REVERS DE LA CEINTURE

 Chers lecteurs, le samedi 28 octobre 2023, le meilleur combattant du monde en MMA (Mixe Martial Arts) âgé de 37 ans, ex-SDF dans les rues de Paris, a choisi de défier le champion du monde des poids lourds,Tyson Fury à Ryad  en Arabie saoudite.

Le combat était rude;Tyson Fury a reçu des parpaings et en est sorti avec des bleus. Au 3e round il a été mis au tapis après un crochet du gauche.

Francis Ngannou assouvissait ainsi un rêve d’enfance et a montré à toute la jeunesse africaine que nous avons tout en nous pour réussir. En revanche le résultat final était contraire à la beauté du spectacle offert par Francis sur le ring du boulevard Hall de Ryad : Alors qu’un juge a donné 95-94 en faveur de Francis, deux autres ont donné la victoire à Fury à 96-93 et 95-94. Francis a perdu sur décision arbitrale.

Au-delà de tout le buzz que ce combat a généré, faisons une analyse froide des choses. L’élément le plus frappant était la détermination de Francis; sortir de sa catégorie pour aller combattre avec le champion d’une autre  catégorie mérite d’abord une onction particulière. Francis doit nous apprendre comment sortir de sa zone de confort.  Chapeau bas au Fils de Batié! Allons encore plus loin ; sa victoire aurait déstabilisé l’écosystème de la boxe anglaise et légitimé l’entrée fracassante des OVNI avec une disruption complète de « l’ordre établi par les humains ». Mais Notre boxeur a quand même gagné sur d’autres tableaux et face au monde entier. Il a juste commis le péché n’avoir pas mis Fury KO. Retenons donc que nous n’avons pas droit à la demi-mesure ; on ne gagne pas une médaille d’argent ; on perd une médaille d’or.  Sur un volet encore plus frappant, Francis n’a eu aucun soutien financier ni politique de son pays. Cela pose un problème fondamental sur la façon dont nos états voient le sport et son réel potentiel.

Au-delà de toutes nos ressources minières, nous avons la plus jeune (et donc la plus forte) population de la planète ; et quand nous aurons tout perdu, il ne nous restera que le sport, la culture et notre tourisme. Trois forces intimement liées que nous peinons à capitaliser, faute de vision et de planification stratégique.

Et pendant ce temps, d’autres nations s’enrichissent et bâtissent leur réputation sur nos actifs. Il existe deux façons d’être une nation sportive : développer des talents et /ou développer des infrastructures avec de véritables plateformes de promotion et d’exploitation du sport business. Je vous mets au défi de me citer du bout des doigts, trois grands sportifs qatari ou saoudien mais vous recommanderez automatiquement ces deux pays s’il vous était demandé de choisir les plus beaux stades ou arènes de spectacles.

Nous assistons à une transition du sport business et il est temps d’arrêter d’être simple spectateur. Cela n’’enrichit pas. Le mécanisme neo colonialiste continue de s’appliquer.

À l’image de nos ressources minières exploitées par des partenaires extérieurs, nos sportifs sont devenus une matière première dont la rentabilisation se fait sur d’autres territoires ; ce qui revient en Afrique, c’est généralement la part que le sportif décide d’investir chez lui sous diverses formes, autrement dit la plus petite partie du pactole généré par ces événements sportifs dont nous ne nous donnons pas souvent les moyens, faute de planification stratégique.  Prenons l’exemple le plus récent événement en quelques points clés :

L’Arabie saoudite réussît à la perfection sa campagne de réputation Pays « Visit Saudi » avec de gros contrats d’événements sportifs. Le deal avec Fury aurait coûté 200 millions de dollars.

Francis Ngannou sort de combat sans enjeux avec 10 millions de dollars et Tyson Fury empoche une somme de 15 millions de dollars. À cette somme, il faut ajouter les retombées médias pour chacun.

Mais au-delà de cela aucun sponsor africain n’est dans l’opération ; les droits Média n’en parlons pas. Les droits de diffusion ont été obtenus par DAZN, une plateforme de streaming sportif. DAZN est souvent qualifié de Netflix du sport et possède de nombreux droits TV sportifs dont celui du combat du 28 octobre dernier. La société a mis en place avec un système de « pay-per-view » coûtant   14,99 euros, en plus de l’abonnement.  L’évènement a été également suivi en direct via un « pay-per-view » sur TNT Sport, BT Sport, Virgin Media TV au Royaume-Uni et via un abonnement + « pay-per-view » ESPN+ aux Etats-Unis.

Nous devons arrêter d’être des lumières mises sous le boisseau. L’écosystème nous impose d’ouvrir les yeux, de prendre conscience et de nous donner les moyens de réussir en mettant en place des politiques sportives fortes. Je finirai ces notes avec un terme que je me suis imaginé.

Être un Ngagnant: condition mentale qui consiste à croire en son onction et se donner les moyens  de se battre, d’aller au bout de ses profondes aspirations.

A très bientôt

À très bientôt

HERVE DASSOUNDO

Head of Marketing (Confédération Africaine de Football)