La révolution silencieuse de la jeunesse africaine
Par tous les signaux qu’elle envoie, la jeunesse africaine ne demande qu’à prendre son envol. De nouvelles approches et de nouveaux modèles émergent, portés par une soif d’entreprendre et une avidité à se réinventer loin des sentiers battus.
C’est peut-être dans les secteurs créatifs que cette déferlante fait le plus de vagues. La musique d’abord, où de jeunes rappeurs comme le Nigérian Khaid, la jeune pépite Ayra Starr ou les artistes de la bouillonnante scène alternative abidjanaise comme Zagba le Requin et la Team Paiya,Tamsir, Didi B ou autres KS Bloom déplacent les lignes en s’émancipant des circuits classiques grâce au streaming et aux réseaux sociaux.
Des initiatives comme les plateformes Afrikapaly et Uduxi Music, qui permettent à des artistes d’auto-produire et vendre leurs titres en ligne, ou les concerts virtuels à succès organisés par le Collectif Teranga illustrent l’entrée dans une nouvelle ère pour l’industrie musicale africaine. Une ère plus ouverte, décomplexée et portée par le numérique.
Cette créativité débridée fait également des étincelles dans d’autres domaines comme le sport, la mode ou les arts visuels. Des initiatives comme le phénomène de la ligue de football de rue Marvel Ikoyi au Nigeria, ou encore les expositionsvirales d’artistes comme l’incontournable Malnobra dévoilent les multiples visages d’une jeunesse en ébullition.
Au-delà de leur créativité débridée, ces industries culturelles et créatives recèlent un potentiel économique colossal pour l’Afrique. Le cabinet Enko estime leur poids à 109 milliards de dollars d’ici 2026, avec des progressions annuelles à deux chiffres. Un poids sans doute encore sousestimé car ces méthodologies peinent à capter l’intégralité de cet écosystème informel et digitalisé.
Cependant, le chemin vers l’émergence d’un réel écosystème créatif pérenne reste semé d’embûches. À commencer par le manque de financements, de structures d’accompagnement et de formations dédiées. Moins de 20% des start-ups créatives se font financer au-delà des premières années. Il est aussi important de souligner l’inadaptation des cadres juridiques et fiscaux.
Plus que jamais, il appartient donc aux dirigeants des États africains de se saisir de cet enjeu majeur et d’accompagner pleinement l’éclosion de ces formidables viviers de talents, d’emplois et de croissance. En structurant des filières créatives solides, adossées à des écosystèmes entrepreneuriaux complets. En formant les nouveaux managers culturels dont ces industries ont besoin. Et en débloquant les financements publics et privés indispensables, notamment en faisant levier sur les investisseurs étrangers de plus en plus séduits par ces marchés émergents.
Les chantiers à ouvrir sont immenses mais les bénéfices pour les économies et les sociétés africaines de demain le seront tout autant. Car cette révolution, aussi silencieuse soit-elle, ne pourra être contenue éternellement. Elle puise ses forces dans la jeunesse même du continent et dans son inépuisable détermination à réussir.
Jerry Sinclair (Entrepreneur de mode)
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